Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Terre du Monde

Terre du Monde
Publicité
23 janvier 2006

LE MIRAGE DU NEVADA

usa18

L
as Vegas à 17 heures. Telle un Disney Land du désert, la ville dévoilait ses attractions. Après une balade en gondole en compagnie d’Elvis, sur les canaux d’un Venise aux murs de pain d’épice, un dragon s’élevait des douves du château du roi Arthur. Il disparaissait rapidement après avoir crachoté quelques flammes, effrayé par les canons du vaisseau de Francis Drake qui s’attaquait sur un bras de mer à un galion espagnol, aux cales bourrées d’or. Sur une des rives, la statue de la liberté faisait des oeillades au sphinx qui protégait la pyramide de Ramsès II. Au-dessus de tout se raffut, la tour Effeil s’illuminait pour ne pas disparaître au milieu du Strip, le boulevard feu d’artifice de la ville du vice. Le vice c’est pour très tard.

Quand les lumières s’éteignent et que les casinos se vident des touristes curieux. Place aux toxico, du jeu. De jeunes gens obèses, au regard de poissons bouillis, s’attachent à une table de jeu, comme le marin s’amarre au bar. Et inlassablement, ils se ruinent à petit feu, encouragés mais trompés par le son de maigres piécettes tombant trop rarement dans les caissettes en fer blanc. Et moi qui résiste, fier et moqueur. Le jeu n’est pas pour moi. Et à chaque rare fois que j’avais ouvert frénétiquement mon porte-feuille pour y trouver ma carte de crédit, je me rappelait l’avoir laissée à l’hôtel que je regagnerai à pied ce soir. Les pauvres cent dollars que j’avais apportés ont disparus de ma poche, certainement volés par un bandit... Manchot.

Publicité
Publicité
23 janvier 2006

LE SAUT DE L'ANGE

usa17

F
iltre de cigarette : de un à cinq ans. Boîte en aluminium : de quatre-vingts à cent ans. Tissu nylon : de trente à quarante ans. Pelure d’orange ou de banane : deux ans. Bouteille de verre : un million d’années... Sous chaque objet, une étiquette mentionne le temps de dégradation et de retour à l’humus.

Au commencement des premiers parcs nationaux, la protection des espèces animales et végétales n’est pas une préoccupation première. Et elle ne se justifie que dans la mesure où elle sert le plaisir des visiteurs. Ce n’est qu’en 1916, lors de la mise en service du National Park Service que les valeurs esthétiques et historiques sont associées au respect de la faune et de la flore. Extrêmement surveillés, les 57 parcs demeurent la fierté du peuple américain. Je paye dix dollars l’entrée et peux y rester une semaine. Sceptique au départ, habitué à la gratuité française, je comprends rapidement que des armées de rangers entretiennent les lieux, et que cela à un coût.

Au sein du cortège de parcs nationaux que nous propose l’Utah, le Zion reste de loin le plus visité. Paradis des alpinistes, la succession de ses vertigineuses parois représente une véritable aubaine pour l’escalade. Suspendu à la corde et face aux parois démesurées, je domine la Virgin River qui d’ici, ne semble être qu’un misérable filet d’eau. Elle s’est creusé son propre itinéraire au pied des gigantesques murs blancs et roses pour devenir le cours d’eau le plus encaissé des États-Unis. Je regarde le vide sous mes pieds et réalise que plus de 500 m me séparent du sol. Paralysée, je m’agrippe au sommet du piton et décide de descendre très doucement, mais plus vite que la tombée du jour. Cette paroi a pour nom « le Saut de l’Ange », je suppose que les anges n’ont pas le vertige.

23 janvier 2006

AU PAYS DES MONTAGNES TORDUES

usa16

D
eux monstrueuses montagnes se dessinent derrière la colline roussie par les incessants rayons du soleil. J’approche lentement les crêtes dépouillées de cet univers ténébreux. Montagnes Suisses, désert d’Espagne ou encore gorges profondes de Karijini en Australie, en l’espace de quelques kilomètres le paysage se transforme. Et c’est à l’issue d’un virage que se dévoile un merveilleux camaïeu de rouge, orange, rose et ocre, tout en vertical.

« C’est un foutu endroit pour perdre une vache. » Ebeneezer Bryce a vécu cinq années dans le Bryce Canyon. Ce pionnier mormon, lui laissa même son nom et cette laconique citation. Les pitons du Bryce Canyon semblent venir d’ailleurs, déposés ici par une horde de sculpteurs. Pointant le ciel comme pour le remercier de leur esthétique, façonnés par le travail des saisons, de la neige et du gel, les hoodoos constituent de véritables amphithéâtres en forme de fer à cheval. Découpées dans les forêts de sapin du plateau de Paunsaugunt, les profondes cavités regroupent les plus irrésistibles roches du canyon. Les habitants de l’Utah pourraient se vanter d’avoir le plus beau grès rouge du monde. L’oxyde de fer a œuvré sur la terre, les pinacles, les cônes, les tourelles, les pigeonniers. Bob, un père de famille croisé dans l’un des nombreux drugstores longeant la route, se plaint à sa femme de ne rien pouvoir apprécier. Le responsable de sa frustration est bien ce rouge, présent partout et que Bob, daltonien, ne peut discerner.

23 janvier 2006

NATIONAL BRIDGE

usa15

Je laisse les grandes étendues derrière moi et emprunte une petite route escarpée entre les gigantesques barrières de grés rouge. Une nuit en hauteur, juste pour admirer ces interminables crevasses, serpents creusés par l’érosion, roches usées par le temps. Je suis à National Bridge Monument et du haut de la mesa, je surplombe la plus impressionnante des cavités naturelles. Sans prendre ces quelques mètres de hauteur, ce spectacle m’aurait été invisible.

23 janvier 2006

SERPENTS ET CANYONS

usa14

G
len Canyon, lac Powell. S’il y avait de l’eau sur la Lune et si je traversais cet astre aujourd’hui, j’aurais certainement senti cette vertigineuse odeur qui enveloppe le lac et ses rives en forme de canyons. J’hume le parfum de cette vaste étendue d’eau, cette mer intérieure de 300 km de long, l’un des plus larges réservoirs d’Amérique du Nord. Ce n’est pas le vrai rivage que j’aperçois, mais les flancs des canyons engloutis, la retenue d’eau d’un gigantesque barrage. Ces eaux parfois bleu, parfois rouille sont celles du fleuve Colorado, profond d’une centaine de mètres. Il creuse les sols de l’Utah et de l’Arizona, découpe les déserts pour propulser ses eaux vives sur environ 3 800 km, soit l’équivalant de toute la côte ouest du pays.

Publicité
Publicité
23 janvier 2006

ROCHE, PEAU ET CIEL ROUGE

usa13

J
ohn Wayne, le Duke, acteur, véritable héros à la destinée de fermier disait à Dean Martin : « l’homme n’a besoin que de café et de cigarettes ». J’ajouterais une bonne paire de bottes et comme l’époque n’est plus aux chevaux, une grosse américaine, Dodge ou Chevrolet, aux amortisseurs fatigués. J’attrape les ondes d’une radio de country music, Ian Tyson et Garth Brooks en vedette, et je roule sur des tapis d’asphalte sans fin qui mène droit à l’horizon. La climatisation est forcément hors service et fenêtres baissées, je sens le souffle de forge du désert. Le plafond de nuages est noir, la roche cuivrée, un arc-en-ciel les relie. Je déboule à Monument Valley dans une gravure de Remington, peintre de l’Ouest. Le site a vu passer les équipes de John Ford, Howard Hawks et Nick Ray. Autant dire que je me sens un peu inutile avec mon Canon parmi cette nature mille fois photographiée. Je cours comme un fou, enivré par les pastels de cette fin de journée. Mon esprit chavire entre le désir de faire « ma photo de Monument Valley » et toutes les images qui ressurgissent de l’histoire. Avant John Wayne, ses petits fils et moi, on vit en ces lieux des Apaches lutter contre les Espagnols, puis des Navajos subir la loi génocidaire des blancs en marche vers la nouvelle frontière, ceux-là même qui ne dansèrent jamais avec les loups.

23 janvier 2006

CARSON FOREST

usa12

Sur les pas des pionniers, je cours éperdument vers le soleil couchant. Je veux le voir chavirer dans l’océan Pacifique. Mais entre moi et la Californie, mon terminus, se dresse une nature qui n’a rien de paisible : Nouveau Mexique, Arizona, Utah, Nevada. Là où ruisselets se transforment sans prévenir en torrents dévastateurs. Là où au cœur des forêts d’altitude, les pins ponderosas doivent se faufiler entre des roches cassantes, coupantes, toujours à fleur de sol. Là où à chaque fois que je pose ma tente, il me faut éviter un nid de fourmis rouges, sarcler une dizaine de chardons, tordre deux piquets et m’écraser un doigt. Notre Mère Nature est ici plus ridée qu’ailleurs, exigeante, parfois meurtrière. Et ceci explique sans doute le respect inconditionnel que lui portent, lui portaient, les peuples amérindiens. Un amour aussi puissant que celui d’un vieux boucanier pour l’océan.

23 janvier 2006

LA FIN DE LA ROUTE 66

usa11

U
n peu plus au nord, la ville tranquille d’Espanola est l’ôte de la statue de Juan de Onate, le conquistador qui en 1 598 établit les premières colonies européennes dans la région. Vêtu de sa tenue militaire, juché sur un cheval fringant, son regard fixe l’horizon, ses sourcils épais et froncés montrent sa détermination. Et son long nez en lame de couteau ne révèle bien sûr aucune trace de sang indien. Onate incarne pourtant toute la violence et l’arrogance de la conquête espagnole. Dans les yeux de cette Indienne, je percevais le massacre de son peuple, son incapacité à profiter des mêmes richesses qu’une famille blanche de classe moyenne. Le Nouveau-Mexique est toujours la demeure de vingt-deux nations indiennes souveraines, dont la nation Navajo, deux nations apaches et dix-neuf réserves appelées « pueblo » qui appartiennent aux communautés tribales les plus anciennes des États-Unis.

C’est ici que je quitte la route 66 officielle pour m’orienter vers les parcs nationaux du Grand Ouest. Le nouveau Mexique nous offre une dernière faveur, la Carson Forest. Les canyons aux flans dénudés rappellent d’abord que nous n’avons pas encore quitté ce pays à la végétation « piquante », au climat brûlant. Puis, la barrière montagneuse nous ouvre une porte vers les alpages. Je passe des yuccas aux genévriers, puis aux pins ponderosas, aux épicéas et aux bouleaux. Un véritable bain de fraîcheur, un retour aux Alpes vivifiante. Un air frais me caresse les narines, j’hume avec tant de bonheur ces effluves de conifère que j’avais presque oubliées.

23 janvier 2006

LE MEXIQUE AUX ETATS-UNIS

usa10

S
ans m’arrêter, je dépasse le désert aride d’Albuquerque pour filer plein nord vers les montagnes de Santa Fé. Au bord des routes, de petites maisons carrées, mexicaines, sont enduites de terre ocre et maintenues par de grosses poutres dépassant des murs. Leurs toits en terrasse et leurs balcons de bois rappellent l’architecture coloniale hispanique. Santa Fe l’Américaine ou San Cristobal la Mexicaine, toutes deux auraient pu être le théâtre des rocambolesques aventures de Zorro, en technicolor pour la première. Tout au long de l’été, les animations et marchés à thème se succèdent aux abords de la grand-place, El Paseo de Peralta. Connu des touristes, artistes ou collectionneurs, l’essentiel des productions traditionnelles indiennes côtoient ici les créations des artisans de souche espagnole. Au coin d’une rue, une vieille dame propose des pignons de pin dans de petits sachets à bijoux. Ses paupières sont relevées d’une ligne noire exagérée. Son regard sombre, aussi beau que terrifiant, supporte le poids d’une existence difficile qu’on a aucun mal à imaginer. Née indienne, son enfance pauvre lui interdisait toute éducation. Mariée jeune, elle ne connut pas réellement l’amour. Ces enfants enfin élevés, il lui reste à gagner maigrement la fin de sa vie en vendant aux touristes blancs des babioles contre des piécettes. Les clichés ont la vie dure en ces terres reculées du Nouveau Mexique.

23 janvier 2006

BRYCE CANYON

usa9

L
e premier devoir d’un photographe est de se lever à l’aurore. Je me trouvais ce matin-là à l’aérodrome du Bryce Canyon. Le ciel était ombragé et je savais déjà qu’il me faudrait profiter de chaque percée de soleil pour imprimer ma pellicule. Je commençais mon pèlerinage aérien au-dessus du site. Un rayon fugace m’entraînait vers Red Canyon. Je voyais une première fois le soleil se lever. Puis il se cachait derrière une deuxième rangée de cumulus. Seconde percée de lumière, je découvrais la plaine au-dessous de la Dixie Forest. Un Panomama qui m’était offert à 3 000 m d’altitude. Seuls les aigles bénéficiaient en même temps que moi de ce spectacle divin. Je savais que ma machine volante embarquait peu de carburant, mais enfin le soleil perçait au-dessus du Bryce Canyon. La panne d’essence était assurée mais ma voile me permettrait d’atterrir sur le champ que je ne quittais quasiment plus des yeux. Le vent me portait vers cette dernière vue, celle des hoodoos, ces falaises de grès rose découpées comme de la dentelle. le moteur arrêté, je revenais en parapente jusqu’au sol, après m’être pris durant trois heures pour Icare. Par chance, je ne m’étais pas brûlé les ailes..

Publicité
Publicité
1 2 3 4 > >>
Publicité