AU PAYS DES MONTAGNES TORDUES
Deux monstrueuses montagnes
se dessinent derrière la colline roussie par les incessants rayons du
soleil. J’approche lentement les crêtes dépouillées de cet univers
ténébreux. Montagnes Suisses, désert d’Espagne ou encore gorges
profondes de Karijini en Australie, en l’espace de quelques kilomètres
le paysage se transforme. Et c’est à l’issue d’un virage que se dévoile
un merveilleux camaïeu de rouge, orange, rose et ocre, tout en vertical.
«
C’est un foutu endroit pour perdre une vache. » Ebeneezer Bryce a vécu
cinq années dans le Bryce Canyon. Ce pionnier mormon, lui laissa même
son nom et cette laconique citation. Les pitons du Bryce Canyon
semblent venir d’ailleurs, déposés ici par une horde de sculpteurs.
Pointant le ciel comme pour le remercier de leur esthétique, façonnés
par le travail des saisons, de la neige et du gel, les hoodoos
constituent de véritables amphithéâtres en forme de fer à cheval.
Découpées dans les forêts de sapin du plateau de Paunsaugunt, les
profondes cavités regroupent les plus irrésistibles roches du canyon.
Les habitants de l’Utah pourraient se vanter d’avoir le plus beau grès
rouge du monde. L’oxyde de fer a œuvré sur la terre, les pinacles, les
cônes, les tourelles, les pigeonniers. Bob, un père de famille croisé
dans l’un des nombreux drugstores longeant la route, se plaint à sa
femme de ne rien pouvoir apprécier. Le responsable de sa frustration
est bien ce rouge, présent partout et que Bob, daltonien, ne peut
discerner.