CUZCO
Cuzco
s’éveille dans un parfait équilibre. La ville est solidement appuyée
sur ses fondations incas couleur terre, des blocs lourds et solides
comme du roc, et s’étire verticalement vers les fragiles balcons
espagnols. À l’intérieur des patios, derrière les lourdes portes
sculptées, les murs blancs mettent en valeur le baroque élégant des
boiseries patinées, des grands miroirs aux cadres d’or, des meubles
grenus, des volutes du plafond, et parfois de l’envol d’un ange
polychrome. Au cœur de la ville inca, l’odeur est délicieuse, et marie
à merveille le bois, la pierre, le silence et le pastel.
Les
curieux gagnent les hauteurs de la ville en empruntant les ruelles
pavées derrière la cathédrale. Ici, dans le quartier de San Blas,
naissent des ateliers d’artistes qui réinventent leurs racines incas,
des femmes tissent des laines de couleurs, des hommes, de retour d’une
journée de labeur, boivent lentement la chicha, bière de maïs fermenté,
peu alcoolisée. Ils arborent de longues chevelures ébène, un teint de
bronze, des pommettes saillantes, des yeux noirs. Les amateurs
pousseront parfois les portes d’une des nombreuses petites églises qui
sont autant de « chapelles sixtine ».
Le soir venu, on assiste aux lentes processions, on écoute le trot claquant d’un cheval, on admire la fière démarche des fils d’Incas, le pas humble des hommes d’église, on imagine même le défilé arrogant des conquistadors. Enfin, vient le temps de s’asseoir dans une chaise de roseaux, près d’une corbeille de figues de Barbarie et de fruits de carambole.