FALLING IN LOVE
Chicago
est vide, étonnamment propre. Il est six heures quand je décide de me
perdre dans ses avenues, une légère angoisse au ventre, on ne se défait
pas si facilement des histoires de gangsters lues et revues qui ont
bâti son image. Je croise une ruelle, hésite à y pénétrer. Un type
louche m’attend certainement derrière la poubelle fraîchement repeinte.
Plus loin, le métro aérien monté sur pilotis métalliques suit et
assombrit les rues en dessous. L’orage s’achève sans bruit en même
temps que le vent venant du lac Michigan se lève. Le manteau de cumulus
noirs s’enflamme de la lumière du couchant, plongeant la ville dans un
orange anthracite digne de Gotham City et d’une autre sombre histoire
de Batman. Chicago à d’ailleurs des allures de la ville imaginée pour
la chauve-souris super-héros. Parée d’une architecture postmoderniste
qui s’inspire de toutes les époques et emprunte à tous les courants, la
ville se visite le nez en l’air, les cheveux aux vents. Ainsi je
percute un couple qui s’enlace au milieu d’un carrefour. Ils sont noirs
et tel les derniers Mohicans, semblent les seuls ici à conserver un peu
de folie, de vie dans les veines. Les blancs, en majorité, sont
couchés. Le soir, la nouvelle « ville vanille » est bien belle, mais
son charme grouillant s’est endormi. La paix est recouvrée dans la cité
étendard d’un melting-pot réussi. Plus qu’ailleurs en Amérique, on sent
la volonté des communautés irlandaise, italienne, juive, polonaise
(Chicago est la 2e ville polonaise au monde), etc., de s’intégrer,
d’être en paix.